51e jour: 2008 année incendiaire!
- Anne Donald
- 12 juil. 2013
- 6 min de lecture
L’année de 2008 fut celle des grandes déceptions. La loi no 124 en 2005 avait été pour les éducatrices en milieu familial une loi qui reconnaissait son apport.La Ministre Carole Théberge croyait en cette loi qui éliminait de son vocabulaire le « contrôle » pour parler de supervision et de soutien optionnel pour l’éducatrice en milieu familial, noyau important du développement du système de garde québécois. Encore en 2008, elles représentaient 50 % des places à 7$ offertes.
Malheureusement, cette Ministre a laissé la place à une autre qui avait une autre vision presqu’à son opposé. Le Ministère durcit la ligne. Les CPE qui avaient réussi à garder l’exclusivité des mandats des bureaux coordonnateurs nous ont ramené exactement à la même place. Soit par dépit ou par colère, ils durcirent la ligne. Les éducatrices étaient continuellement confrontées au « si vous n’êtes pas contentes, changez de métier! ». Nous étions revenu à l’ère du mépris. 2008 Etat de la situation(Voir dans la section archive sous l'onglet blogue)
À l’AÉMFQ devant la volonté du Ministère d’institutionnaliser le milieu familial nous démontrions de plus en plus de fermeté. Devant la Ministre Michelle Courchesne nous démontrions également une ferme volonté à ce qu’elle garde le milieu familial dans ses priorités. Nous avons même demandé sa démission… Rien ne nous arrêtait pour vous !
Le Ministère de la Famille pour sa part annonça la mise en place d’un contrat entre l’éducatrice et le BC pour le PCR pour le 1er avril. Nous avons été consultées, nous avons refusé, nous avons négocié et nous sommes arrivées à un consensus appuyé par le bureau de la Ministre, mais non par le Ministère quoiqu’il avait adopté l’idée d’un modèle spécifique au milieu familial… que de lourdeur dans cette machine gouvernementale. Nous demandions une simple marge de manœuvre de 10% afin de protéger vos services.
Le Ministère de la Famille va aussi de l’avant dans un contrat type entre l’éducatrice et son client afin que les clauses soient plus près de leur volonté réglementaire. Ils se permettent par ce contrat de venir fixer la tarification des autres services que vous pourriez donner à l’extérieur du 7$ par jour, seul tarif inclus dans la réglementation. Les droits de gestion du travailleur autonome étaient ici encore une fois réduits. Pouvions-nous décemment laisser passer ?
Finalement celui-ci fut reporté en septembre 2008. Mais nous continuions la bataille, même sous la menace du Ministère. Sa boutade était : « Soit vous travailler avec nous, soit on le fait sans vous! ». Le Ministère appuyé des BC priorise entièrement les besoins que les parents ont, votre conciliation travail-famille, votre droit de vous organiser, tant pis ! Vous êtes au service de l’État. Nous assistons à l’institutionnalisation du milieu familial. 2008 Se mobiliser pour résister(voir dans la section archive sous l'onglet blogue)
En réaction, un plan national « Action reconnaissance » est mis en place. 2008 Mouvement de résistance (Voir dans la section archive l'onglet blogue)
Lors de l’étude des crédits en avril, les éducatrices envahirent l’assemblée nationale. Nous obtiendrons finalement la promesse de la bouche de la Ministre que le milieu familial n’aura pas, lui, l’obligation d’ouvrir 11 h de garde. On l’a échappé belle ! 2008 Les ÉMF au parlement (Voir dans la section archive sous l'onglet blogue)
Mais d’un autre côté, nous devons aussi militer pour conserver d’autres gains. La purée de poupon devait rester de la responsabilité parentale, l’application du programme éducatif devait continuer d’appartenir à l’éducatrice et non être à la merci du bon vouloir du BC, le remplacement était passé de la lutte au droit de l’utiliser à celui d’être obligée d’être remplacée et les fiches d’assiduité devinrent une question de « procédurite » obsessionnelle.
Pour le Ministère de la Famille : travailleur autonome = choisir d’être reconnue. Après cette reconnaissance vous deviez accepter de passer au mode soumission !
À côté de cette attitude ministérielle, les bureaux coordonnateurs avaient recommencé à faire ce qu’ils voulaient, ils interprétaient et appliquaient la Loi à leur guise. Nous avions reculé ! Le Ministère a totalement ignoré l’évaluation faite des BC par les éducatrices. Seul processus que la Ministre Courchesne avait bien voulu nous octroyer, mais selon le Ministère vos évaluations manquaient d’objectivité !
En réponse à ce climat, qu’avons-nous fait ?
Nous avons travaillé la notion du réseautage. Nous avons travaillé sur l’importance d’être ensemble et de développer une vision respectueuse de l’autre, mais ferme pour notre profession. Une campagne de « marrrainage » a été lancée pour sensibiliser plus d’éducatrices à la vie associative par une approche délicate et respectueuse. L’adhésion a même été offerte gratuitement. Mais où étaient les éducatrices ? 2008 Campagne de marrainage2
En septembre 2008 ALERTE ! ALERTE ! ALERTE !, une tournée d’information provinciale est requise. Voici les nouvelles règles annoncées : 2008 Alerte à l’entente de subvention
Contrat type entre parent et éducatrice en milieu familial
Entente de subvention entre éducatrice et bureau coordonnateur
Une note administrative obligeant le remplacement d’un enfant absent pour recevoir la subvention
L’offre de service sera désormais fixée par le BC pour toutes les nouvelles éducatrices en milieu familial
Pour les éducatrices en milieu familial déjà reconnues, elles devront recevoir l’approbation du BC pour :
Un changement à son contrat
Un changement à ses vacances et congés devra au préalable être acceptés par le BC
La clientèle devra être prise à même la liste régionale
À la moindre infraction le BC peut retirer toutes les places PCR
Aucune garantie n’est donnée à l’éducatrice d’avoir le droit de se plaindre au Ministère
L’opposition fut si forte que les règles sont pas mises en application en septembre. La Ministre et le Ministère n’approuvèrent pas cette tournée provinciale d’information. Devant leurs tentatives de diviser au sein même de l’association, le conseil d’administration m’a nommé présidente et directrice générale. La Ministre ne pouvait plus ignorer le travail de la directrice générale et essayer de négocier en douce quelque chose d’autre avec la présidente. Le Conseil décida d’imposer sa décision de confier à leur directrice générale le mandat de représenter politiquement l’AÉMFQ. Les membres appuyèrent par la suite à l’unanimité cette décision. 2008 Nomination pdg
Nous faisions d’ailleurs un sondage à la fin de chacune des présentations. Les résultats furent marquants pour la suite des choses. Nous demandions aux éducatrices de faire un choix dans l’éventualité où toutes ces nouvelles conditions étaient appliquées.
Travailler à défendre le statut de travailleur autonome : résultat 49 %
Travailler à faire reconnaître un statut de salarié : résultat 47 %
Indécis : résultat 5 %
En octobre 2008, lors de leur assemblée générale annuelle, les membres de l’association prirent une décision. Devant cette horreur d’institutionnalisation, de la dénaturalisation du travailleur autonome, les éducatrices créèrent une nouvelle association offrant une alternative structurant un cadre pour la garde privée de qualité. Elles ont décidé d’accepter l’invitation que le Ministère faisait depuis des mois, celle de se préparer à la possibilité de quitter la garde régie. 2008 ASGA Nouvelle association2008 ASGA se structure (Voir la section archive sous l'onglet blogue)
Mais encore une fois, à l’AÉMFQ le choix individuel était respecté.
En décembre, l’année s’est terminée par la déclaration d’invalidité de la loi no 8. L’invalidité de cette loi annulait la représentation officielle faite à l’AÉMFQ pour représenter les éducatrices en milieu familial. Fin décembre, nous étions reçu au Ministère de la Famille et nous nous sommes fait dire que les éducatrices étaient des « salariées ». Le sous-ministre a regardé les associations de CPE et leur a dit, nous souhaitons que vous agissiez en employeurs responsables dès maintenant. Évidemment ceux-ci ont manifesté leur réserve. La prise de position rapide du Ministère par rapport au statut de salarié révélait pour nous un immense soulagement, car enfin ils pourraient vous dicter leurs règles !!!
Dans la prochaine année, nous pourrons continuer à vous parler de notre vécu à travers l’épopée de la syndicalisation de 2009.
En parallèle de toutes ces démarches, nous publions encore de nouveaux services :
Un référencement pour un service de soutien pédagogique personnalisé et rapide, compte tenu que les BC encore une fois n’offrait pas l’offre de service uniformément prévu par la loi no 124.
Revue électronique pour les messages importants devenus plus nombreux
En conclusion, les éducatrices et l’AÉMFQ étaient arrivées à un point de non retour sur la question de leur statut. Avec le recul, nous sommes conscientes que nous avons poussé le bateau jusqu’au port. Il restait à décider de sa nouvelle direction :
Celle du statu quo n’était plus possible.
Celle du semi respect du travailleur autonome n’était plus possible.
Seul deux choix restaient : le vrai travailleur autonome ou le vrai salarié.
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